- CORNELL (J.)
- CORNELL (J.)CORNELL JOSEPH (1903-1972)Artiste américain, Cornell, né à Nyack, au nord de New York, a vécu son enfance auprès d’un père, élégant designer de textiles, et d’une mère dont le hobby était d’écrire des scénarios. Musiciens, ils l’emmenaient au Metropolitan Opera pour écouter Enrico Caruso et Geraldine Farrar. Enfance de conte de fées, dont Andersen et les frères Grimm étaient pour Cornell les trois enchanteurs. Mais son frère devient paralytique, son père leucémique et sa mère, pour faire survivre la famille, fait des gâteaux pour les vendre à New York. Le jeune Cornell n’obtient aucun diplôme à la Phillips Academy d’Andover, où il a étudié l’algèbre, la physique, les sciences générales. Thomas de Quincey devient un de ses auteurs favoris, mais il ne suit aucune étude artistique. Contraint à travailler très tôt dans l’industrie textile, il se convertit à la Christian Science et se promène dans New York, où il passe des heures à contempler des vitrines d’oiseaux tropicaux, collectionne des librettos , va voir danser Anna Pavlova en 1924-1925, ou des films muets, qui exerceront sur lui une grande influence. C’est en 1926 qu’il découvre le Cirque de Seurat, la Bohémienne endormie de Rousseau à l’exposition de la collection John Quinn’s, et en 1929 commence à fréquenter la galerie d’Alfred Stieglitz, à admirer les estampes de Hokusaï et de Hiroshige et à visiter les collections orientales du Brooklyn Museum. Depuis 1925, il étudie parallèlement les textes de Mary Baker Eddy (Christian Science ), qui vantait les mérites de la spontanéité et du naturel dans la perception et l’inspiration, tout en continuant d’errer dans Manhattan, Brooklyn ou Long Island, et cela d’autant plus qu’avec la Dépression il perd son travail en 1931.Il découvre la Julien Levy Gallery, qui vient d’ouvrir à la fin de 1931, et prend alors conscience de l’existence du surréalisme. Peu après, il osera montrer à Julien Levy ses premiers collages, inspirés par Max Ernst. Il confond avec émotion la théorie de la «spontanéité» de Mary Baker Eddy et le rôle joué par l’inconscient dans les œuvres surréalistes, qui lui apparaissent comme une «magie blanche», un «âge d’or». En 1932, il dessine l’affiche pour l’exposition Surréalisme chez Julien Levy, où il est représenté par quelques collages et un objet (Glass Bell ), une cloche d’horloge où il a placé un œil dans une rose artificielle, à côté d’une main de mannequin tenant un éventail japonais, ainsi que quelques «jouets surréalistes»: de simples jouets mécaniques modifiés par des collages. Après avoir expérimenté des boîtes, préfabriquées en pin et en carton, il dépasse pour la première fois l’influence de Max Ernst en 1936 dans Soap Bubble Set , sa première boîte vitrée, conçue avec la participation d’un menuisier voisin, à Utopia Parkway. Après avoir vu L’Âge d’or de Dalí et de Buñuel, et Un chien andalou , il écrit un scénario, Monsieur Phot (non réalisé), et produit un court métrage, Rose Hobart , tout en vendant des réfrigérateurs de porte à porte ou en dessinant des tissus. Harper’s Bazaar ayant reproduit deux de ses collages en 1937, il entre en relation avec des éditeurs de magazines, pour lesquels il travaillera en free lance (Vogue , House and Garden ). Le Dictionnaire abrégé du surréalisme l’ayant inclus en 1938 parmi les surréalistes, il en est «choqué», comme s’il ne le méritait pas. Ses boîtes inspirées par le ballet romantique, dont la Taglioni’s Jewel Casket , la poésie et le raffinement esthétique dont il fait preuve dans l’agencement des objets, des photos et des images l’imposeront aux yeux de Marcel Duchamp, qui recommandera à Peggy Guggenheim de lui en acheter deux en 1942, comme à ceux d’André Breton, de Matta et, à travers ce dernier, à ceux de Robert Motherwell et des artistes américains d’avant-garde. Sans doute l’absence d’école et d’études artistiques a-t-elle favorisé sa liberté et son audace naturelles de création, mais c’est sa culture littéraire et musicale d’autodidacte qui en a réglé la thématique: angoisse des grands espaces que reflètent ses fréquentes allusions à l’astronomie, nostalgie des grandes époques de l’art et en particulier de l’opéra italien, de la Florence des Médicis, culte du voyage imaginaire, dont la série consacrée aux «hôtels» porte les plus émouvants témoignages. Tout se passe comme s’il avait voulu recréer dans ses boîtes un microcosme personnel de tous les fétiches de la beauté perdue.Ce grand promeneur urbain, ce «paysan de New York» que fut Joseph Cornell devait redécouvrir, en 1951, la campagne, l’expansion du ciel, le chant des arbres et des herbes, alors que l’on commence à détruire de vieux immeubles dans les quartiers de sa jeunesse. Il publiera deux pamphlets à ses frais: Maria (1954) et Bel Canto Oet (1955) pour exprimer, à sa manière, son refus de la dégradation des valeurs poétiques auxquelles il croit. Mais cela ne l’empêche pas d’emprunter, pour ses collages, des images en couleurs à des magazines et à des livres contemporains: Arizona Highways , National Geografic Magazine , Art News , tout en continuant à s’intéresser à l’architecture en bois des années vingt. Il continue également de produire de petits films: Gnir Rednow (1955), Centuries of June (1955). Le film de Rudy Burckhardt, What Mozart saw on Mulberry Street , décrit cette nostalgie cornellienne de la rue aux vieilles vitrines et aux vieux balcons, son véritable théâtre mental. Il participera, à l’égal de Duchamp et de Schwitters, à l’importante exposition de 1961-1962, The Art of Assemblage , au Museum of Modern Art de New York. Mais affaibli, traînant depuis longtemps la jambe, affligé de migraines et d’insomnies, il voue une sorte d’amour mythique à une serveuse de coffee-shop , Joyce Hunster, qui lui volera neuf boîtes en 1964 et se fera assassiner trois mois plus tard.Cornell rendra hommage, d’autre part, à André Breton en 1966 par quelques collages où il utilise la photographie que Man Ray a faite du fondateur du surréalisme, dont il est certainement le plus grand représentant américain. Avant de mourir dans sa maison d’Utopia Parkway, il aura la joie en 1967 de voir sa première rétrospective au Pasadena Museum of Art et au Salomon Guggenheim Museum de New York.
Encyclopédie Universelle. 2012.